Les secrets des épinesPar Piotr Swiatoniowski. |
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La croyance populaire selon laquelle les épines de cactus auraient pour fonction de protéger la plante contre les rayons du soleil et les animaux n'explique sûrement pas entièrement leur raison d'être. L'observation détaillée des épines à l'aide d'un microscope peut révéler un ensemble d'intéressantes énigmes biologiques. La plupart d'entre elles peuvent être expliquées par le processus de l'évolution, dont le rôle est d'ajuster les plantes aussi bien que possible à l'environnement dans lequel elles vivent. Pas toutes cependant, car il y a aussi certaines structures imperceptibles pour l'oeil humain dont la fonction demeure bien cachée. Fondamentalement, chaque groupe de cactus a produit, au long du processus d'évolution, ses propres structure d'épines; bien souvent, des différences significatives sont présentes pour deux espèces de cactus du même genre. Les photos présentées dans cet article montrent la constitution d'épines caractéristiques du genre Pterocactus et des groupes apparentés appartenant à la sous-famille des Opuntioideae. La structure interne des épines est identique pour les neuf (9) espèces de ce genre. Dans leur coupe transversale, on peut observer des mini plaques reliées de façon assez chaotique et créant une structure ressemblant à une éponge. C'est très léger, en raisons des espaces vides laissés par les plaques, mais en même temps très résistant aux forces mécaniques. De cette façon, les épines qui ne requièrent aucun point d'attache fort dans les aréoles sont capables de maintenir leur fonction dé;fensive.
La structure décrite plus haut peut également jouer un rôle dans deux autres facteurs. Premièrement, les rayons du soleil ne chauffent pas les épines autant qu'ils le feraient pour une structure homogène. Deuxièmement, l'eau de pluie et l'eau de condensation peuvent pénétrer librement les espaces libres, s'y accumuler et fournir à la plante une couche isolante ainsi qu'un peu d'air humide à l'intérieur d'une membrane protectrice, réduisant ainsi la perte générale d'eau. Placer les épines dans l'eau pour un certain temps permet de vérifier le phénomène décrit. L'absorption de liquide a pour effet de rendre les épines plus flexibles, elles perdent alors leurs propriétés défensives, car elles ne piquent pratiquement plus la peau. La couche externe des épines est construite de façon similaire. A cet endroit, les plaques sont considérablement plus grosses et sont stratifiées horizontalement autour du coeur, constituant une couche encore plus résistante à l'action des facteurs de température. En se réunissant, elles ont parfois tendance à former de plus longs canaux remplis d'air, mais en général elles constituent la couche recouvrant étroitement la partie interne de l'épine. La partie la plus à l'extérieur est en même temps souvent la plus intéressante, en raison des formes particulières qu'elle présente. En la regardant sous la lentille du microscope, il est difficile d'en discerner les parties constituantes. à la différence de ce qui se passe dans la structure interne apparaissent ici des fibres caractéristiques entrelacées l'une à l'autre et donnant à toute la couche la résistance appropriée pour résister aux forces mécaniques qui pourraient lui être appliquées. L'armure de ces fibres pourrait être comparée à celle de la structure d'une corde, où plusieurs fibres réunies sont beaucoup plus durables qu'une seule fibre de la même coupe transversale. Au bout des épines, la plupart des fibres sont courbées vers l'extérieur, créant des appendices particuliers en forme d'hameçon ou de crochet. Leur mode de fonctionnement est facile à deviner. L'épine entre facilement dans la peau, mais il est beaucoup plus difficile de l'en extraire. On pourrait se demander pourquoi au cours de son évolution la plante a créé un mécanisme qui favorise la rupture de ses pousses l'une après l'autre. D'après moi, une partie de l'explication pourrait être l'hypothèse selon laquelle cette façon de faire constituerait une reproduction végétative en habitat naturel. Dans le cas des Pterocactus, cela semble tout à fait probable, puisque deux de ses espèces, P. kuntzei et P. megliolii, ont la capacité de perdre leurs pousses en automne et en hiver. Elles sont alors dispersées par les vents forts avec les sables en suspension et peuvent donner naissance à un nouveau plant à la saison de croissance suivante. Les autres espèces n'ont pas cette propriété, mais une sécheresse prolongé;e peut également faciliter la rupture de leurs pousses. Malheureusement, la confirmation ou la réfutation de l'hypothèse de la fonction reproductive des crochets d'épines demeure du domaine des considérations théoriques. J'aimerais mentionner que cette opinion est strictement la mienne et qu'elle n'est appuyée par aucune observation des cactus en milieu naturel, élément essentiel de l'hypothèse dans ce cas-ci. Une autre possibilité ne peut être exclue: nous sommes peut-être témoins d'un processus d'évolution constant s'efforçant de créer un tel mécanisme de reproduction. Il faut également noter que des crochets similaires présents sur les glochides peuvent se fixer sur la peau de l'intrus et l'incommoder assez longtemps. A l'inverses des épines principales, les glochides ont très peu d'attache dans les aréoles et peuvent donc en être facilement détachés.
De la même manière, l'attention devrait être attirée sur un phénomène commun dans le monde animal, celui où un individu ou un animal sacrifie une partie de lui-même pour assurer sa survie ou celle de son groupe lors de l'attaque d'un prédateur. La stratégie d'autodéfense des abeilles constitue un exemple de ces mécanismes. En piquant un intrus, les abeilles acceptent de se départir de certains organes internes, se condamnant à mort pour défendre d'autres individus, surtout la reine. Plusieurs espèces d'étoiles de mer agissent de la même façon; au moment du danger, leur disque central peut spontanément être séparé de certains de leurs bras. Les deux parties ont un potentiel élevé de régénérer les parties perdues, mais seulement celle qui aura la chance de survivre à l'attaquant y parviendra. Cette propriété particulière est également utilisée à des fins reproductives. En se basant sur les exemples ci-dessus, on peut donc conclure que la fonction des crochets terminaux des épines principales pourrait se limiter à la seule protection de la plante contre les prédateurs et n'aurait aucun rôle à jouer dans la reproduction végétative. Il faudrait pourtant noter que les deux fonctions ci-dessus mentionnées pourraient être complémentaires. Nous devons toujours nous rappeler que l'évolution est causée par des mutations totalement accidentelles mais qu'en raison de l'existence de la sélection naturelle, il faut s'attendre à ce que certaines caractéristiques avantageuses soient conservées. Lorsque j'ai pris les photos dont il est question dans cet article avec un microscope électronique, j'espérais aussi caractériser la surface de l'épine d'autres espèces de Pterocactus. Entre autres choses, mon but était de prouver ou de réfuter la thèse selon laquelle la forme skottsbergii appartiendrait à l'espèce P. hickenii. Les limites entres les autres types de cette espèce ne sont pas clairement dé;finies non plus. Certains spécialistes signalent l'existence de formes intermédiaires entre des espèces telles P. australis et P. fisheri et entre P. hickenii et P. araucanus (Klaus Gilmer). Malheureusement, les seules caractéristiques de la surface de l'épine ne peuvent fournir une réponse claire à ces questions. Observées avec un microscope électronique, les structures présentes dans l'épine de quelques millimètres de long de P. gonjianii sont les mêmes que dans une épine beaucoup plus grosse de P. hickenii. Toutefois, chez P. australis j'ai pu observer une structure de surface d'épine distincte rappelant - en faisant une comparaison simplifiée - l'écorce de conifères. Mon opinion est que P. australis pourrait être une espèce distincte, espèce n'ayant pas de corrélation directe en dépit de son degré élevé; de variabilité. Des conclusions trop hâtives pourraient cependant se révéler dangereuses. Il est certainement nécessaire de faire plus, et plus détaillé, sur ce sujet et de comparer les surfaces des épines d'un plus grand nombre de clones distincts.
Pour ce qui est de la composition chimique d'une épine, il n'y avait aucune surprise à attendre. Comme dans tout spécimen biologique, il n'y a dans les épines que des composés de carbone et d'oxygène. Les éléments chimiques lourds (nombre atomique supérieur à 10) en sont à toutes fins pratiques absents.
Je recevrai avec plaisir vos critiques et commentaires. E-mail-Piotr Swiatoniowski Un grand merci à Klaus Gilmer, qui a gracieusement fourni les boutures qui ont permis d'écrire cet article. Note du webmestre : l'article original est présent sur le site Tephroweb, en version anglaise ou allemande. |
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