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Sur la piste du Solaris

Dvd-Chili

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Sur la piste du Solaris

 

C'était décidé ; après un faux départ en 2005, il était écrit que nous partirions au Chili en 2006, à la conquête des copiapoa ! Nos quatre billets d'avion en poche dès la fin de 2005, rien ou presque ne devait plus nous empêcher d'atteindre Santiago du Chili à la mi-mai, pour un périple qui devait nous mener droit vers le Nord jusqu'à Antofagasta. Sur les 1200 km de ce parcours, nous devions pouvoir observer la grande majorité des espèces types de Copiapoa (dont le fascinant groupe des cinerea qui alterne avec tant de noblesse le noir, le cendré et le jaune d'or des apex), ainsi que d'autres espèces de cactacées chiliennes.

Départ Roissy à 23H00 ; nuit difficile dans l'avion ; arrivée à Santiago à 11H00 locales après une escale sans intérêt à Buenos Aires en début de matinée ; rapides formalités policières et douanières ; prise de possession de notre pick-up de location et nous voilà déjà sur l'autoroute qui remonte vers le nord, à l'assaut de l'inconnu a priori piquant. Nous sommes à la fois un peu groggy pour cause de voyage et de décalage horaire (6 heures en moins), et excités par le dépaysement et ce qui est censé nous attendre...

Quelques dizaines de km plus loin, nous sommes déjà dans le bain ! Après avoir scruté de tous nos yeux sans succès les premières collines que l'on peut apercevoir le long de l'autoroute, le doute n'a plus de place, nous avons enfin à portée de main nos premiers CACTUS, de magnifiques cierges verts plantés à flan de collines de chaque côté de l'autoroute, qui dressent fièrement leurs bras vers le ciel, des Trichocereus chiloensis (trop souvent appelés chilensis au mépris de leur origine : l'île de Chiloé et non le Chili dans son ensemble). Moment chargé d'une émotion toute particulière pour trois d'entre nous pour lesquels ces cactus étaient les premiers observés « en liberté », dans l'habitat, loin des contraintes de nos balcons et autres serres (pour ceux qui ont déjà la chance de les avoir). Nos coreligionnaires ayant déjà battu le pavé désertique chiliens avaient raison : quelle comparaison pourra-t-on désormais établir entre ces plantes magistrales et démesurées, et les petits cierges quasi-anecdotiques dont nous prenons si grand soin à longueur d'année. Dire que compte tenu de ce que nous verrons ensuite au cours de notre périple, nous ne les remarquerons presque plus nos chers tricho, nos « premiers » qui nous donnèrent cette émotion si particulière.

A l'occasion d'un second arrêt (un « spot », dit-on...) où nous feront définitivement « le tour » des Tricho chiloensis, nous rencontrons nos premiers Eulychnia . Ce genre est omniprésent au Chili, en zone côtière et les différentes espèces pullulent tout au long de l'autoroute puis de la « route nord » qui la prolonge au delà de La Serena.

Nous partons ensuite en direction du bord de mer, à Pichidangui, où nous avons rendez-vous avec la famille Eriosyce et notamment le très connu subgibbosa . Pour des cactus que l'on imagine bien sûr adeptes des contrées arides, étonnant de retrouver ces plantes installées sur des rochers de bord de mer, voire sur les plages de galets bien polis, avec des racines qui, à n'en point douter, doivent puiser leur nourriture dans des sols salés par l'eau de mer. Au côté des plantes matures installées sur les rochers, nous verrons des dizaines de jeunes semis, tranquillement installés dans les crevasses des rochers (avec vue imprenable sur mer...) à l'abri du généreux soleil quasi tropical, les racines puisant dans l'humidité profonde du rocher. On aura compris que les propriétés calorithermes de la roche, l'abri naturel contre le soleil que constituent ces fissures, l'humidité de bord de mer et les embruns marins créent les conditions quasi idéales pour la reproduction de ces plantes. Sur ces plages de galets, nous trouverons enfin des groupes d' Eulychnia , sans doute breviflora , hauts d'une cinquantaine de centimètres.

Plus au nord, à quelques kilomètres du bord de mer, nous avons rendez-vous avec les fascinants Eriosyce aurata , sorte de gros ballons de basket ball aplatis, poussant disséminés ça et là entre les eulychnia. Ces plantes sont visiblement âgés de plusieurs dizaines (centaines ?) d'années, souvent sans la moindre tache ou cicatrice. Un concentré d'élégance cactologique qui impose le respect lorsque l'on connaît la lenteur de la croissance de cette plante pourtant cultivée dans nos serres avec un soin que Mère Nature ne leur accorde certainement pas dans l'habitat.

Mais de copiapoa, en ce début de visite, il n'en était pas encore question. Le genre n'est implanté qu'à partir du sud de Coquimbo et son habitat s'étend jusqu'au nord d'Antofagasta. C'est donc au sud de Coquimbo que notre premier rendez-vous « copiapique » aura lieu. Il a été à mon sens moins émouvant que d'autres rencontres, Copiapoa coquimbana ayant moins de traits de noblesse que quelques grands ambassadeurs du genre (columna alba, longistaminea et j'en passe). Néanmoins, il s'agissait de nos premiers cops, donc : « respect ! »...

Passé la latitude de Coquimbo, tout s'enchaîne assez rapidement, les différentes formes de Copiapoa echinoides, grosses boules vertes armées de piquants gris acier, les Copiapoa megarhiza v echinata en touffes rases, et leur profonde racine napiforme, les Copiapoa esmeraldana et autres humilis dont seul le « haut du crâne » sort de terre, tout comme les hypogaea qui portent si bien leur nom (« upo-gè » : « sous terre » en Grec ancien), les Copiapoa rupestris, touffes rasantes quasi métalliques, etc.

Dans la zone côtière à quelques km au Nord de Coquimbo, dans la région de Carizal, on trouve les impressionnantes touffes de Copiapoa dealbata (encore dite, sans grande imagination, carizalensis). Ces coussins de dizaines de plantes de près d'un mètre de haut et d'un périmètre allant jusqu'à 1,50m sont réellement impressionnants, Tous les apex de plantes sont une fois de plus dirigés plein Nord (le « Sud » de l'hémisphère Nord... enfin l'orientation où le soleil est le plus présent au cours de la journée), avec bien souvent des nuances de coloris et de spination qui font tout le charme de cette espèce. A proximité des dealbata, on trouve également des variétés d'Eriosyce napina. Cette plante n'accroche pas l'oeil au premier passage mais dès que sa forme est mémorisée, on finit par en voir partout. Anecdote : après avoir parqué notre véhicule à proximité d'un sympathique champs de dealbata pour y déjeuner, nous apercevons, un, puis deux, puis trois napina à proximité de notre 4/4 avant de constater que le véhicule était garé au beau milieu d'un site de cette plante.

Un peu plus tard, nous arrivons à Caldera, la côtière, non loin de Copiapo située davantage dans les terres. A propos de Copiapo, je fût quelque part un peu déçu... Alors que nous sommes dans la ville qui donna son nom à ce genre vénéré, pas un hôtel « Au gai cactus », pas un restaurant « Aux délices du cactus », pas même une petite placette minable à l'écart du centre ville ou survivraient au milieu des gaz d'échappement quelques Copiapoa monochromes car couverts de poussière grise. Aux environs de Copiapo et de Caldera, nous verrons Copiapoa calderana puis Copiapoa marginata, sans doute un des Copiapoa les plus colonnaires.

Ensuite, en quittant Caldera pour Chanaral, la jolie forme spinosior de calderana nous attendait. Tout au long de cette portion de route nous croiserons des paysages dignes de l'astéroïde du film Armagueddon : des sites volcaniques torturés, alternant le noir et les nuances de brun, où jaillissent du sol d'improbables pics de roches foncées en plaques de quelques mètres de haut, qui donnent au final l'impression que le terrain a été maltraité au bulldozer. Ces paysages dantesques et inhospitaliers abritent pourtant de beaux eriosyce aux épines jaunes et quelques Copiapoa (serpentisulcata et cinerascens)..

A quelques km au nord de Chanaral, de part et d'autre de la route qui longe la côte, on trouve dans un premier temps Copiapoa serpentisulcata et cinerascens qui cohabitent étroitement a priori sans hybridation naturelle. Plus loin, la sous-espèce gigantea ou haseltoniana de Copiapoa cinerea apparait, qui est la géante du genre.

En poursuivant notre route, sur le littoral nous verrons les magnifiques touffes de Copiapoa longistaminea et aurons même le quasi honneur de dormir sur site, nos sacs de couchages installés souvent à quelques dizaines de cm de groupes de plantes matures ou de jeunes plus isolés.

Toujours en remontant vers le Nord, la route rentre dans la (relativement) célèbre réserve naturelle de Pan de Azucar (du nom d'une île en forme de pain de sucre à quelques encablures du rivage). On y trouve assez rapidement sur la gauche un champ impressionnant de Copiapoa cinerascens, plante qui, dans l'habitat, présente à mon goût un aspect d'un intérêt relatif. Un peu plus loin, on arrive sur le terroir de ce qui constituera le NR 2 de mon TOP 3 personnel : les majestueuses Copiapoa Cinerea v columna alba. Ce sont des sortes de tour de Pise dodues, toutes penchées plein Nord et qui donnent l'impression d'être emmaillotées dans des tricots noirs de grand-mère dont émergerait juste le haut de la plante cendré, caractéristique, où l'on trouve les seuls épines de la plante et le séduisant apex velu jaune doré. Observer ces immenses champs de plantes, comme autant de soldats penchés plein Nord à l'unisson, me laissera un souvenir éternel (nous repasserons d'ailleurs sur ce site magique (culte, pour moi) au retour). Cette plante connaît une forme dite melanohistrix, moins belle, plus brute, dotés d'une spination plus importante (sur tout le corps de la plante) et plus sombre.

A Pan de Azucar, nous trouverons également quelques (trop) rares exemplaires de copiapoa bridgesii ainsi, un peu plus loin, que la minuscule Copiapoa laui. Cette seconde plante est presque totalement enfouie dans le sol. Elle est très difficile à observer lorsque l'on n'a pas encore sa forme, son gabarit « dans l'œil ». A contrario, dès que l'on sait à quoi elles ressemblent dans son habitat, on en voit soudain partout.

Toujours plus au nord se trouve la ville côtière de Taltal, Mecque du « vrai » Copiapoa cinerea ssp cinerea, dont j'avais vu si souvent le nom apposé sur des Copiapoa de culture. Le majestueux et vénérable Cinerea, référence du genre, est présent tout autour de cette ville et la vallée toute proche de San Ramon ( 15 km aller-retour à pied dans le lit d'une large rivière asséchée depuis des lustres) permet d'accéder à la sous-espèce albispina puis à l'élégante krainziana qui a des airs de peluche dans l'habitat. La beauté et la majesté de Copiapoa cinerea sont encore une fois sans commune mesure avec celles de nos petites plantes de collection même si cette fois, la forme générale de la plante de culture, au delà de sa couleur, est assez proche de celui de sa cousine « sauvage ».

Notre quête du Graal devait s'arréter à Botija, « ville » mythique de mon atlas cactologique personnel, point le plus méridional de la zone d'implantation de la mythique Copiapoa solaris. Ville, c'est vite dit... Il s'agit tout au plus d'un lieu dit du bord de mer où vivent quelques pêcheurs dans des habitations de fortune, où débouche la fameuse vallée de Botija. Identique à tant d'autres vallées orientée est-ouest, elle se présente sous la forme d'un large lit encaissé de rivière asséchée, dans lequel on s'enfonce à pied en observant ce qui pousse sur les deux versants qui la borde. On y trouve Copiapoa aeremephiana dans sa première partie (touffes basses d'une vingtaine de têtes de la taille d'une balle de ping pong et tirant sur l'haseltoniana-gigantea). Ensuite vient la rare Copiapoa decorticans, dont la particularité est de comporter une tête bien verte au bout d'une tige qui parait quasiment morte, sèche, en sa partie externe (d'où le nom...). Un peu plus loin on trouve les premiers Copiapoa atacamensis, plante solitaire en ce lieu que nous aurions trouvé apparemment en plus grand nombre et en touffe si nous avions remonté la vallée un peu plus haut.

Enfin, à l'issue de la première partie de la rivière asséchée, on aboutit dans une vallée moins encaissée, entourée de plusieurs collines (la déclivité ferait presque parler de montagnes) recouverte de débris de roche applatis noir et brun foncé, visiblement d'origine volcanique. Ces hautes collines sonnent quelque part la fin du voyage. Elles constituent l'habitat du mythique Copiapoa solaris, plante si rare en culture dans l'hémisphère nord et dont les graines sont elles-mêmes quasiment introuvables (solaris ne donnant pratiquement pas de fleurs en « captivité », seules des graines d'habitat peuvent permettre les semis) et paradoxalement si majestueusement et généreusement disponible dans l'habitat. Ce sont en effet des centaines de touffes (80cm de haut sur jusqu'à 2,5 de large en moyenne) qui ont colonisé ces pans de collines presque à perte de vue. Avec le recul, l'arrivée dans cette vallée qui s'ouvre d'un seul coup m'a un peu rappelé l'arrivée à Petra en Jordanie où la ville proprement dite apparaît soudainement au sortir du boyau rocheux qui y mène. L'aspect de la plante d'habitat est là très proche de la plante de culture. Des datations au carbone 14 ont révélé qu'une touffe de 1,20 m aurait un âge d'environ 300 ans. Je vous laisse juge....

Plus au Nord, en montant vers Antofagasta, nous passerons a travers la région d'El Cobre, autre lieu bien connu de l'habitat du solaris. Nous constaterons avec dépit que toutes les touffes de plantes sont pratiquement moribondes en raison, apparemment, des poussières minérales reçues du fait de l'exploitation de mines situées à proximité.

Le retour, comme l'aller fut sans histoire et permit de repasser sur les sites qui nous ont le plus marqués.

Outre le feu d'artifice visuel, de ce séjour, en tant que passionné et collectionneur de ces plantes si particulièrement attachantes, je retiendrais les quelques points suivants :

•  copiapoa pousse presque toujours dans des substrats très minéraux, granitiques ou volcaniques et est visiblement peu habitué à l'humus des substrats standarts dans lesquels pourtant nous les cultivons souvent ;

•  la zone côtière désertique dans laquelle la plante vit n'est pratiquement jamais arrosée. Copiapoa ne vit donc que grâce à ses racines profondes qui captent l'humidité qui se cache dans le sol, à l'humidité côtière (dont des embruns) et à la fameuse camanchaca, le brouillard côtier salvateur du Chili qui perle sur les plantes et leurs épines et imprègne le le sol. Il est d'ailleurs intéressant de relever qu'au delà de la ligne de crête de la dorsale montagneuse côtière, le brouillard ne passe. Rien ne pousse donc et on trouve un vrai désert minéral ;

•  les Copiapoa sont donc des plantes qui aiment l'humidité et en vivent même. Donc, pas d'inquiétude pour vos spécimens cultivés dans des serres ou l'humidité hivernale est peu ou prou toujours un sujet de préoccupation ;

•  les températures locales hivernales sont d'une petite dizaine de degrés nocturnes avec remontée sensible dans la journée, sous le soleil. En été, seulement entre 25°C et 30°C au plus chaud de la journée, en moyenne. Nous sommes ici dans un désert côtier, appelé désert car il n'y pleut pratiquement jamais mais en revanche, ici, sous l'effet des courants marins froids qui passent non loin de la côte, pratiquement jamais de 40°C ou de 50°C . J'en conclus que les Copiapoa doivent donc adorer nos températures d'été franciliennes ;

•  le mystère de la pruine des Copiapoa d'habitat reste presque entier lorsque l'on voit nos plantes « en captivité » prendre des couleurs si différentes de celles qu'elles ont dans l'habitat. Je pense, modestement, que tout cela est le fruit du milieu (sécheresse bien plus importante que dans nos pots, hygrométrie plus importante été comme hiver dans l'habitat, insolement différend, nature du sol, etc). Il semble néanmoins qu'une culture patiente, sans trop arroser la plante, permette, au bout de nombreuses années, d'obtenir cette élégantes robe blanche (les anglais la qualifient de « farina », ce qui est nettement moins élégant que notre « pruine »…).

 

Le challenge de réussir à produire des semis de Copiapoa ayant, au bout de quelques années (ne rêvons pas), l'aspect qu'ils ont dans l'habitat reste néanmoins un beau challenge. Alors si le défi de la pruine vous en dit, à vos pots et à vos graines ! ! ! !

Patric Cazuguel

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